Noordzee

Le 27 août 2009, je me retrouve à Ostende, sur la côté belge. Un peu par hasard. En réalité, probablement pas tant que ça : les bords de mers délavés et leurs stations balnéaires désuètes m’attirent visiblement comme des aimants. Je viens des montagnes ; l’iode m’appelle. Mais seulement si elle a le goût du Nord…

Ce jour-là le temps hésite entre le gris et la lumière. Et opte finalement pour les deux à quelques heures d’intervalle. Tout est parfait. J’ai dans mon sac plusieurs appareils, dont un vieux Nikon FM2 caractériel, menaçant à tout moment de déclencher selon ses propres envies. À la condition que l’on prenne le temps d’apprivoiser ses défauts de fonctionnement, il accepte pourtant de se plier à quelques règles. Il est sans hésitation l’appareil de la situation, je le charge donc avec une pellicule diapo couleurs pour photographier le kiosque à glaces que j’ai sous les yeux.

Quelques années plus tard, ce qui ne devait être qu’une photo isolée s’est transformé en balade contemplative de 15 414 kilomètres (dont 498 en ferry, 47 à vélo et 52 à pied !) sur les plages de cinq pays : la Belgique d’abord, puis les Pays-Bas et la France, l’Écosse et la Norvège enfin. Avec la mer du Nord et l’horizon ouvert comme guides. Les destinations sont choisies en fonction des côtes qu’elles ont à m’offrir et de ce que j’en imagine. Je prépare minutieusement le voyage, ensuite j’oublie tout jusqu’au jour du départ. Une fois sur place, j’essaie de ne pas trop me projeter sur les lieux que je découvre afin de leur laisser la parole. Pas évident, mais c’est le seul moyen de voir un peu plus loin que soi-même.

Prendre son temps est un luxe essentiel que le Nord et l’argentique me donnent tous les deux l’autorisation de m’accorder. Avant de sortir l’appareil, j’ai besoin d’observer et de comprendre l’endroit ; l’atmosphère contemplative de ces bords de mer favorise cette prise de recul.
Décidément, non, cette journée à Ostende n’était pas un hasard.

Pour compléter ce voyage photographique en forme de retour aux sources, j’ai demandé à Arnaud Witomski d’apporter sa vision personnelle sur ces étendues quasi-désertiques. Lui proposer de composer la bande originale de ce périple était une évidence, son travail musical à la fois éthéré, lumineux et synthétique pouvant se rapprocher par bien des côtés de l’ambiance de mes photographies. »

Gaëlle Brunet – novembre 2014

« Depuis 2009 Gaëlle Brunet arpente les rives de la mer du Nord, parcourant les côtes françaises, belges, néerlandaises, écossaises, norvégiennes, à l’affût d’espaces où l’on respire. Ses photographies saisissent mer, ciel, cabane de plage, camion de glace… un univers à la frontière de la nature et de l’urbanité, où se distinguent quelques silhouettes furtives. Ambiances désertiques, nuages à l’horizon, les images sont très architecturées et nous introduisent avec sensibilité et finesse dans ces lieux où l’œil se repose.

La photographe qui utilise des diapositives argentiques prend son temps : pas de mitraillage, mais le choix réfléchi de perspectives ouvertes ou de frontalité ; les tirages colorées d’une belle palette (parfois vive, parfois d’un lavis velouté) s’imprègnent de l’ambiance de ces plages : espaces de vent et de méditation, qui ressourcent, dans lesquels l’imaginaire peut se déployer, espaces saisis avec justesse, loin des stéréotypes, par un regard disponible et serein, en adéquation avec ce qu’il rencontre. »

 J. Lautier-Desmazières – octobre 2014